Les formes du croisé

Deux grandes catégories permettent de prime abord de classer les vestes : forme droite ou croisée. Si nous étudions ici très souvent la forme droite, qui peut elle-même se décomposer en plusieurs catégories suivant le nombre de boutons, la forme croisée se fait en revanche plus rare dans les colonnes de Stiff Collar.  L’occasion d’y jeter un coup d’œil cet après midi, alors que l’été s’annonce.

La forme croisée revient à la mode ! Il suffit pour s’en convaincre de regarder les photos du Pitti Uomo, où quantité de messieurs vont faire les beaux, en croisé, par 30°c. La forme croisée en elle-même est difficilement datable. Il semblerait qu’elle soit plus militaire que civile, et peut-être même plus marine que terrestre. Les cabans des marins avaient un boutonnage double, pour permettre de croiser le veston – ou le caban – suivant le vent, de bâbord ou de tribord.  En dehors de cela, on note vers 1840 quelques fracs et riding coat croisés en Angleterre, mais certainement la forme est elle plus ancienne.

Quoiqu’il en soit, elle nous est arrivée, surtout comme veste de costume un peu formel, popularisé dans les années 30. C’est maintenant l’essence même du costume anglais, le trois pièces s’étant fait damer le pion. Ceci dit, notons qu’il est tout à fait correct, du point de vue ancien, de porter un gilet sous un croisé. Le gilet est droit alors. Car la veste croisée peut se porter ouverte en intérieur. Regardez le Prince Charles fait très bien cela. Si le croisé est bien coupé, c’est à dire pas trop ample comme il était commun de le voir dans les années 90, lorsqu’il est porté ouvert, les pans ne s’évasent pas trop. Au contraire, cela donne un certain air de décontraction et d’aisance. Un peu trop de tissu n’a jamais tué personne.

Dans le détail, le croisé se caractérise par son boutonnage symétrique et la présence de boutons factices sur le devant. Il doit aussi avoir des revers à cran pointus. C’est comme ça. La veste croisée à cran sport est une hérésie ; ‘ça n’existe pas’ dirait simplement For The Discerning Few ! Mais The Kooples le fait, que voulez-vous.  On peut également trouver le col châle sur le croisé, surtout sur les vestons d’intérieur. La largeur des revers de même que la forme (plus ou moins pointue) sont sujets à caution et aux effets de la mode. Disons que classiquement, le revers est un peu large, 9 à 11cm suivant les personnes. Après, il peut être beaucoup plus généreux, ou au contraire étriqué, suivant les goût.

the double breastedAutre petit détail de style, le croisé ne possède normalement pas de rabats aux poches. J’ai essayé les deux, je préfère maintenant sans rabats. C’est plus chic et cela correspond mieux à cette forme, à l’instar là encore, du Prince Charles. Aussi, le croisé a toujours deux fentes dans le dos, jamais une, quelque fois aucune.

Enfin, le système de boutonnage peut suivre plusieurs schémas. L’archi classique est appelé 6 x 2, et présente un carré de quatre boutons plus deux plus haut décoratifs. Le 4 x 2 est la variante d’été, par exemple avec une poche plaquée de poitrine empêchant le positionnement des deux boutons décoratifs en haut. En fait, cette nomenclature de déchiffre comme suit : d’abord de nombre de boutons visibles (hors bouton de rappel intérieur) fois le nombre de boutonnières visibles (hors donc boutonnière de rappel intérieure).

Autre forme plutôt populaire pour les croisés du soir ou ceux très décontractés, le 4 x 1 se boutonne comme une veste un bouton, avec une croisure assez basse, ouvrant sur une large échancrure et de beaux revers. Autre dérivé, le 6 x1 est l’essence même du croisé des années 80 et 90. A utiliser avec modération.

Enfin, les formes militaires peuvent présenter des variantes 6 x 3 ou 8 x 4, aucun bouton n’étant décoratif. Ces formes se retrouvent sporadiquement dans les collections de prêt à porter, mais c’est très habillé ! A vous de choisir votre forme !

Bonne semaine, Julien Scavini

10 réflexions sur “Les formes du croisé

  1. Alexandre K. 1 juillet 2013 / 15:11

    J’ai vraiment du mal avec les poches sans rabats en dehors des diner suit et autres vestes d’intérieur. Je sais bien que c’est la règle classique pour les croisés, mais l’esthétique me déplaît, sans compter le fait qu’il faut alors absolument les garder cousues pour qu’elles ne s’affaissent pas avec l’âge.

    Il m’est également arrivé assez souvent de croiser depuis l’année dernière des croisés 2×1 dans les collections été de PAP. Je ne trouve pas cela déplaisant. Je comprend l’intérêt des boutons factices dans le cas d’un 6×2 avec la forme générale en Y, mais dans le cas du 4×1, cela m’échappe (mis à part sur les diner jacket?! Peut être le fait que la veste soit plus courte?).

    Bref, je rajoute tout de même que trouver un croisé bien coupé en PAP est tout de même difficile. Je m’en suis procuré deux d’occasion en bon état (Ede & Ravenscroft et YSL) et on peut dire que la retoucheuse a eut du travail…

  2. BM 1 juillet 2013 / 15:59

    Je porte beaucoup le nœud papillon. Peut-on l’adopter avec un costume croisé (hors tenue du soir, j’entends) ? Je ne trouve pas d’exemple imagé… D’autre part, quel type de gilet conseilleriez-vous avec un tel vêtement ? Merci pour votre érudition.

    • Le Chiffre 1 juillet 2013 / 22:58

      Si je puis me permettre, voici quelques personnes qui portaient les deux très bien (regardez sur google images): Ian Fleming, Herbert Marshall, et bien sûr Humphrey Bogart. Ainsi qu’un personnage de fiction certes mais bien connu pour son élégance : Olrik de Blake et Mortimer.

  3. IrohG 1 juillet 2013 / 21:15

    Justement, une chose m’angoisse avec les croisés : j’ai lu quelque part qu’on n’ouvre pas un croisé, tout au plus peut-on ouvrir un bouton lorsque l’on s’assied (j’imagine que cela signifie que seul le bouton de rappel reste fermé) ; je vois les porteurs de croisés autour de moi ouvrir leurs vestes (souvent des 6×1) avec un résultat que je trouve malheureux ; à essayer moi-même, je ne me suis jamais senti à l’aise avec un croisé ouvert, sauf à la rigueur assis (en encore, d’autant plus que le reboutonnage n’est pas aussi facile qu’avec une veste droite). Et maintenant cet article de Stiff Collar… Comme disait Lénine, Que Faire ?

  4. TF. 1 juillet 2013 / 21:34

    Il est souvent dit que le costume croisé est l’apanage des hommes matures…est-il aujourd’hui perçu comme trop sérieux…? Du haut de mes 20 printemps, je n’en pense personnellement rien. Ne pouvant pour le moment me payer les services de Monsieur Scavini pour de la grande mesure et considérant le PàP pour des costumes croisés peu satisfaisant, j’ai ainsi fait l’acquisition de deux vestes croisées dans le but de compléter des mises dépareillées.
    Pour une bouchée de pain, je suis en effet parvenu à acquérir une veste 4×2 entoilée de fabrication française, à poches plaquées et dans une belle laine bleu nuit à chevrons, datant je présume des années 60.
    Son originalité: une fente dans le dos… J’ose toutefois la porter, même si je suis bien conscient de dépasser les limites du « sartorialement tolérable ».
    En outre, je suis l’heureux possesseur d’une veste 6×2 et à double fente cette fois-ci, en lin chevronné et non-doublée, parfaite pour flâner pendant la saison estivale ! Toutefois, elle n’est pas l’oeuvre d’un tailleur mais provient de la marque Club Monaco, qui fait parfois d’assez jolis produits en PàP.

    J’ose proposer à BM quelques clichés d’hommes arborant noeud papillon et costume croisé, hors contexte formel:

    Monsieur Patrick Grant:

    Harry S. Truman:

    Et le non moins célèbre Le Corbusier, bien connu par ici…:

  5. Le Chiffre 1 juillet 2013 / 22:38

    « Un peu trop de tissu n’a jamais tué personne »… Et comment ! Bien dit.
    Article très fourni et qui couvre tout le spectre des coupes, bravo !
    Personnellement je n’imagine pas le croisé autrement que sans fentes et avec un revers bien large, mettons 12 cm. Les poches passepoilées sans rabats -même si la mode est de le proposer avecc trois poches dont une ticket, une aberration…- lui vont très bien -elles vont d’ailleurs très bien aussi avec un complet droit d’ailleurs ! C’est sobre et pratique, à condition de ne rien mettre (de lourd) dedans -, même si Gabin portait aussi très bien les croisés avec des poches droites à rabat. Le 6×3 en blazer peut être intéressant, très années 60, swinging London, ou les horreurs de Pierre Cardin qui suivirent…
    Le 6×1 -intéressant mais mieux vaut ne pas être trop mince ou trop grand…- et le croisé porté avec gilet dans les années 30 -Melvyn Douglas le faisait aussi bien que le prince Charles- sont vraiment d’une élégance rare, complètement occultée aujourd’hui : la mode est au chiche, aux vestes courtes et étriquées, à la non-opulence de tissu… Sans compter qu’un 6×2 en glen plaid ou en flannelle rayée craie vaut le coup d’oeil !
    Le col châle sur un smoking est très élégant, mais seulement pour un smoking blanc je trouve. Sinon le résultat fait un peu trop dandy, trop précieux.
    Et puis, pour les chanceux qui se commandent peut-être un complet en ce moment, un croisé 4×2 beige ou crème en laine tropicale pour l’été est d’une élégance rare… façon Paul Henreid dans Casablanca, entre autres.
    Après il est vrai qu’il est bien préférable de le garder toujours fermé, bouton intérieur inclus, ce qui le rend moins idéal pour l’été. Et puis même si les croisés sont censés amincir les gros et élargir les maigres, je pense qu’il faut quand même un certain poids, au sens propre, pour pouvoir le porter avec aplomb. En revanche, pas besoin d’être grand pour le porter.

    Auriez-vous un lien pour l’image du prince Charles portant le croisé avecun gilet assorti ? Je serai curieux de voir cela, c’est tellement rare aujourd’hui.

    • Julien Scavini 22 août 2013 / 10:54

      En effet, un oubli !

  6. Sarto 21 octobre 2013 / 20:08

    mad men

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